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Osrik et les arts martiaux

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Osrik et les arts martiaux

Message par Osrik » Sam 4 Fév 2012 11:52

Salut la compagnie,

Aujourd'hui j'ai envie de vous parler du Iaido ainsi que de ma passion pour le Japon.

Je vous préviens ca va être long, donc je recommande de lire cet article en plusieurs fois si le sujet vous intéresse histoire de digerer tout celà calmement.

Vous saurez ainsi d'où viennent les pseudo de mes avatars qui n'ont rien à voir avec le chien de Cocci ;)

J'avais égayé le texte d'origine sur mon ancien forum avec moult smileys qui ont hélas disparu lors du copier / coller.

Allez bonne lecture...

C'est quoi c'te bête le iaido ? J'entends déjà les ricanements de certains...mais honni soit qui mal y pense, il s'agit tout simplement de la discipline martiale que je pratique depuis 1995. Bon ca ne me rajeunit pas d'accord mais les arts martiaux sont un long chemin qui ne finit jamais et les gestes les plus simples pratiqués des milliers de fois prennent toujours un nouveau sens avec le temps, ca doit s'appeler l'expérience sans doute.

Comme vous l'avez compris, c'est la passion de toute une vie, et je vais essayer de vous la faire partager un peu ici.

Le début d'une longue histoire... :

Quelques mots de japonais d'abord pour commencer : I = unité, Ai = être et Do = la voie donc littéralement voie de l'unité des êtres !

Cette explication vous donne tout le sens des arts martiaux, en effet à l'origine je vous parle d'une discipline martiale mais dont le nom contient des références philosophiques. C'est toute la difference entre les arts martiaux et un sport. Un art martial c'est une façon d'éduquer le corps et l'esprit, une philosophie de la vie en quelque sorte. Quand on aime c'est pour la vie et on fait siennes des valeurs qu'on va essayer de renvoyer aux autres au travers de son comportement.

Comment en suis-je arrivé la plutôt que de faire du foot comme tout le monde ? C'est très simple, tout a commencé avec les jeux de rôle dans les années 80. Allez savoir pourquoi on rêve toujours de ce qu'on n'a pas, c'est le propre de l'être humain je crois et à cette époque l'adolescent que j'étais se plaisait à armer ses personnages de katanas et à rêver de l'orient mystérieux sans trop savoir pourquoi. Avec le temps je me suis pris à m'intéresser un peu pour l'histoire et les coutumes japonaises, aux ninjas, bref à tout ce pan d'histoire totalement different du notre.

Plus tard, je me passionne pour le feuilleton Shogun inspiré du roman éponyme de James Clavell (Tiens Shogun...ca vous parle ? - Edit c'était le titre de gm dans mon ancienne guilde) qui fait 1500 pages, et dont je dévore le 1er tome de 750 pages en une journée mais ca ne me suffit pas.

Quelques années plus tard alors que ma vie se stabilise avec mon travail, ce gout pour l'orient et le Japon en particulier reste intact et en pleine nuit durant une partie de jeu de rôles est lancée un beau jour l'idée folle de voyager au Japon pourquoi pas. Un ami nous lache en route et nous ne sommes plus que deux à en parler sérieusement avec un pote pratiquant l'Aikido qui vous est sans doute plus familier.

Nous nous lançons en achetant le guide du routard où nous découvrons les lieux que nous voudrions visiter et dont je vous ferai le récit séparément puis je me fends d'une facture téléphonique de 1000 francs presque pour réserver dans des auberges de jeunesse et en aout 2004 nous voici partis pour un mois au paradis.

Tout celà me donne envie de vous conter à nouveau ce voyage mais il y aurait tant à raconter...une chose est sure l'immersion est totale et le pays à la hauteur de nos attentes tout comme les gens d'ailleurs.

Fuji Yoshida :

Le destin croise mon chemin à Fuji Yoshida, un village au pied du mont Fuji que nous avons escaladé en 14 heures la veille. Je vous garantis qu'avec l'humidité et nos sacs de 15 kilos sur le dos nous sommes dans un piètre état après avoir passé une nuit de 2 heures pour avoir la joie de contempler le soleil levant du haut de cet endroit mythique au milieu des Banzai lancés en direction de l'éternité par tous les gens ayant fait ce périple avec nous (Pour information banzai n'est pas un cri de guerre, ca signifie tout simplement mille ans de vie, préjugé quand tu nous tiens ;) )

Bref, la petite auberge de jeunesse ou nous reconstituons nos forces est tenue par un couple de japonais âgés. Le soir nous prenons le repas avec eux et pour nous faire plaisir ou nous épater, le gérant décide de nous faire une démonstration de combat au baton avec mon acolyte Bruno. Tout celà me laisse rêveur même si celà ne correspond pas exactement à mes attentes car toute ma convoitise se porte sur le katana, ce sabre japonais si particulier sans que je sois capable d'expliquer pourquoi. Bref le jeune impétueux que je suis ne peut s'empecher de dire qu'il aimerait bien un tel objet et à ma grande surprise notre hote nous répond que son maitre en arts martiaux en aurait peut être un à vendre...

Le lendemain, je commence à appréhender un peu mieux ce qu'un katana signifie pour les japonais. C'est tout simplement leur histoire et leur culture représentés par cet objet parfait qui était l'apanage de la classe noble, j'ai nommé les samourais. La législation protège strictement ces armes / oeuvres d'art que les soldats americains ne se sont pas privés de piller pendant la 2e guerre mondiale car c'était l'objet collector à rapporter. Les officiers japonais se battaient au corps à corps avec leur sabre familial transmis de génération en génération durant des siècles. Tant de ces armes ont été volées...bref nombre d'entre eux ont été classés patrimoine national tout simplement mais sont aussi considerés comme des armes. Qui dit acheter un katana dit donc se procurer une arme donc obtenir un port d'arme ce qui nécessite de résider au moins 6 mois sur place. Bref vous l'avez compris tout est fait pour que ces objets sacrés restent sur leur terre natale.

Ces nouvelles apprises dans un poste de police me dépitent un peu et compliquent ma tache mais je ne désarme pas.

De retour à l'auberge de jeunesse après avoir visité l'inoubliable chateau d'Imeiji non loin d'Hiroshima, notre gérant d'auberge revient à la charge en me disant que son maitre veut bien me recevoir le lendemain pour évoquer l'achat de son katana.

Ne pouvant résister à la tentation, nous retardons notre départ de Fuji Hakone d'une journée histoire de rêver un peu et nous ne sommes pas déçus.

La rencontre qui change tout :

A première vue, le maitre en arts martiaux du gérant de l'auberge ne paie pas de mine. Il vit dans une maison un peu cossue et est un peu enrobé et nous reçoit dans un salon avec un autre ami venu nous faire aimablement la traduction en anglais, barrière de la langue oblige. Eh oui, les quelques mots que j'ai appris à bredouiller en quelques semaines ne suffiraient pas à tout dire.

Ce qui attire mon regard en premier chez cet homme serein qui se nomme Takeshi Mochizuki ce sont ses mains énormes et surtout l'absence de creux entre les phalanges des doigts. Vous savez à l'école quand on apprend à compter le nombre de jour dans un mois on compte entre les phallanges, en haut pour les mois de 31 jours et en bas pour les mois de 30 jours, ca doit vous rappeler quelque chose ? Et bien lui il n'a que des mois de 31 jours tant il a de corne entre les doigts et quand il me tend sa carte que j'ai conversée précieusement je comprends pourquoi...

J'ai tout simplement une légende des arts martiaux devant moi, il est passé maitre dans 5 ou 6 disciplines allant du Iaido au karaté en passant par le maniement de toutes sortes d'armes, bref c'est une arme vivante. La corne entre ses doigts ? Ce sont les années passés à frapper des troncs de bois pour renforcer sa poigne tout simplement. En dehors de celà il est chiropracteur et dirige une fédération internationale destinée à promouvoir les arts martiaux et la culture japonaise dans le monde, rien que ca !

Après avoir regardé une vidéo de ce qui sera ma future discipline, je réponds à quelques questions pas si innocentes que celà. Quels arts martiaux j'ai pratiqué, durant combien de temps...? Outre le fait comme vous le remarquez qu'au Japon ce n'est pas la ceinture dans une discipline qui compte mais bien l'expérience, je sens bien qu'on cherche à me tester tout comme ma motivation. Les questions de solvabilité ne sont même pas abordées et en matière d'expérience, ce ne sont pas mes approches maladroites des disciplines martiales pratiquées jusqu'alors qui plaident en ma faveur : un peu de judo, un peu de boxe française, un peu de jujitsu mais rien d'inquietant pour Bruce Lee ou Jackie Chan, bref ce n'est pas gagné. J'essaie de faire bonne figure en m'asseyant à la japonaise sur les talons, mais rien n'y fait on m'invite à m'installer confortablement, de toute évidence le test n'est pas la et je suis en train de passer à côté.
Il faut reconnaitre que pour les japonais, je ne suis qu'un geijin, un barbare, et qui de surcroit prétend se procurer ce qui leur est le plus cher. Tous les peuples vivant sur des iles ont un peu ce tempérament isolationniste et fier et je vous confirme que les japonais le sont. Derrière leur courtoisie et leur politesse se cache un tempérament implacable et une volonté de survie et de défense de leur identité. Un touriste est toujours le bienvenu dans ce pays car il y amène de l'argent et la bonté des gens véhicule l'image du pays, mais une personne qui prétend s'y installer ou fait mine de s'approprier ce qu'ils sont, c'est une toute autre chose...
Bref l'affaire n'est pas gagnée pour moi, loin de la, lorsque nous sommes invités à passer à l'étage où les bras me tombent...C'est un véritable musée dédié à l'histoire japonaise et aux arts martiaux. Je ne suis pas invité à entrer dans les pièces où sont précieusement concervés armes, armures et objets d'époque de toute sorte, un véritable trésor. Je me sens tout petit du coup, et nous nous installons en cercle dans une pièce presque vide où Takeshi nous rejoint bientôt avec quelques armes. Les japonais parlent surtout entre eux, et je suis un peu frustré de ne pas pouvoir participer activement à la conversation pour tenter de les épater un peu.
Diverses armes nous sont présentées et malgré le peu que j'en sais je me montre assez maladroit dans mes gestes. Bon avouons le, j'ai un peu la pression sur ce coup la, il s'agit malgré tout d'obtenir mon précieux sabre.
Passent entre mes mains un sabre assez lourd et extêmement tranchant, celui que je suis censé acheter. Peut être son poids est il trop important pour notre hote et qu'il ne se sent pas à son aise avec. J'ai appris depuis qu'on s'habitue à son arme, il y en a certaines avec lesquelles on ne sera jamais à l'aise et d'autres au contraire qui sont faites pour vous, c'est une sorte de relation physique qui a son importance, tant à un moment, et ma phrase n'est pas innocente, le corps, le sabre et l'esprit ne doivent faire qu'un ou Chi Ken Tai Ichi en japonais.
A peine le sabre passé entre mes mains que nos hotes qui sont autant la pour se faire plaisir, sinon plus, que pour me vendre une arme, que je les vois s'extasier devant un tanto, un poignard traditionnel. A cet instant je suis totalement occulté à leurs yeux par cette arme. Finalement on daigne me le laisser regardant en me disant qu'il s'agit d'une arme fabriquée par un forgeron célèbre. Autant dire que dans leurs yeux brille une lueur qui indique que cet homme représente bien plus à leurs yeux...et voici venu le moment où le petit geijin que je suis marque un très gros point : "Oui, c'est un Masamune" dis-je innocement. Et d'un seul coup comme par magie les têtes se tournent vers moi et le regard change. Eh oui entre 2 parties de jeu de role et ses études, le petit français a appris un peu de culture japonaise et j'ai reconnu le nom du forgeron japonais le plus célèbre dans leur conversation. Ce forgeron est un mythe au Japon et on lui accorde la forge d'armes parmi les plus célèbres et les plus réussies. J'ai donc entre les mains un objet unique doté d'une grande valeur sentimentale au yeux de ce peuple et en le reconnaissant j'ai flatté leur fiereté.
Du coup, les questions fusent : ai-je l'argent pour acheter ce sabre ? Oui, enfin 30 000 francs ca représente tout ce que j'ai, c'est peut être un peu fou certes mais ca je ne leur dis pas. Et surtout LA question piège : qu'est ce que je compte en faire ? Apprendre est ma réponse...mais en répondant à ces questions un doute nait en moi : ne suis-je pas en train de me fourvoyer en prétendant acheter un objet dont je n'ai pas la maitrise ni l'usage immédiat ? Je sens bien qu'ils sont prêts à me le ceder mais moi suis-je pret à en devenir le possesseur ? Voilà qui mérite réflexion.
Vous raconter exactement comment celà finit, je ne suis pas en mesure de le faire, mais nous nous séparons satisfaits, pour ma part content d'avoir fait bonne figure et un peu honteux d'avoir convoité ce qui ne devrait pas être pour moi...enfin tout de suite. Bref je suis bien décidé à mériter un jour cette arme qui me semble promise et qu'on semble pret à me céder désormais. Sans le savoir je viens de m'engager sur une route qu'on longe toute son existence durant...

Tokyo :

Ne vous trompez pas, je ne suis pas déçu de ne pas avoir fait cet achat sur le coup, je me rends bien compte que ce n'est pas pour moi, enfin, pas encore...et mon porte monnaie m'en sait gré. Mais il me faut agir maintenant pour entretenir cette petite flamme qui vient de naitre.
Notre voyage se poursuit pendant quelques jours sur la côte. Nous ne visitons pas d'endroit particulier et nous sommes donnés quelques jours pour nous détendre. Finalement nos pas nous conduisent dans une auberge de jeune à Tokyo, notre point d'arrivée et aussi celui d'où nous repartirons à mon grand regret.
Je vous passe les détails du séjour dans la capitale nippone mais une fois encore le hasard prend notre destin en main, lorsque durant les tous derniers jours sur place, nous tombons par hasard sur un magasin vendant...des katanas...
Nous nous précipitons vers les vitrines et les présentoirs d'armes ou nous appercevons à nouveau un poignard masamune, vendu à l'époque pour la bagatelle de 750 000 francs. Celà vous donne une idée de la valeur de l'objet que j'ai eu entre les mains quelques jours avant...
Et rapidement comme souvent au Japon, un vendeur nous oriente poliment vers une partie du magasin destinée plus particulièrement aux étrangers qui veulent repartir avec un beau sabre en guise de souvenir. Nous sommes bien conscients qu'on vient de nous éconduire d'une certaine manière bien que le comprenant également. La difference est simple, les armes qu'on nous propose sont bien moins chères et ce ne sont pas des armes tranchantes, bref ce ne sont pas des katanas forgés pendant plusieurs mois mais des lames industrielles de bien moindre qualité.
Nous parvenons à faire entendre au vendeur que nous souhaiterions acquérir un iaito autrement dit un sabre destiné à la pratique et à l'entrainement. On a les memes sensations qu'avec un katana et bien que non tranchante l'arme reste tout aussi dangereuse.
Il nous en coutera la bagatelle de 1200 francs chacun déjà, eh oui c'est discipline n'est pas donnée à tout le monde mais nous voila tous contents de notre achat qui résume finalement assez bien ce que nous avons trouvé dans ce pays : un mélange de tradition et de modernité.
Preuve s'il en est de l'importance attachée à ces armes nous est en tout cas donnée le jour de notre départ. Nos sabres ont bien été emballés et seront transportés en soute quand surviennent des douaniers fort courtois. Les emballages sont ouverts avec le plus grand soin et respect puis un expert vient s'assurer que nous ne sommes pas en train de partir en douce avec un sabre de valeur. Et à notre grande surprise plutot que de nous planter la comme des nouilles, nos sabres sont soigneusement remballés à l'identique afin que le voyage ne les endommage pas. Je n'ose imaginer la même scène en France...
En conclusion me voici de retour au bercail après un mois inoubliable et un beau sabre qui attend son heure dans un placard...

L'entrainement commence :

Bon maintenant que vous savez comment je suis tombé dans la marmite de potion magique et combien certaines rencontres peuvent être importantes..., passons à la pratique.

Octobre 1994, peu de temps après mon retour du Japon donc, me voilà bien loin de ce pays enchanteur confronté à la dure réalité du travail lorsqu'une copine m'annonce qu'elle a trouvé un club de Iaido à 40 km de chez moi...Bon d'accord ce n'est pas la porte à côté mais il me tarde d'essayer.

Je m'achète ma tenue traditionnelle à savoir le Keiko-gi, une veste de kimono épaisse si vous préferez ainsi qu'un hakama (pantalon à larges jambes) et me voici à mon premier cours dans la peau d'un vrai samourai enfin je crois en n'oubliant pas mon sabre acheté au Japon bien sur Si cette tenue peut sembler un peu loufoque aux yeux de certains, elle l'est beaucoup moins pour qui a connu la chaleur et l'humidité du Japon. Les vêtements legers et ambles sont plus agréables à porter pendant l'effort et ont également l'avantage de dissimuler l'amorce du mouvement des mains lorsqu'on les cache dans les manches...

La première leçon que je connaissais déjà c'est que d'une manière générale, les arts martiaux obéissent à une étiquette. Celà implique des saluts et un comportement lorsqu'on se trouve dans un dojo (salle de pratique) et pour plusieurs raisons : les élèves et leur sensei (maitre si vous préferez, sans consonnance négative) se vouent un respect mutuel et sont la pour apprendre sans agressivité ni esprit de concurrence. Les arts martiaux sont autant tournés vers l'autre que vers la réflexion interne aussi le cérémonial matérialise le moment où vous passez de l'état de "civil" à celui de pratiquant. Il vous invite à l'humilité et à la concentration indispensables. Les moments où je pratique font partie des rares où mon esprit n'est pas accaparé par une multitude de questions et j'en ressors fatigué et serein, ca n'a pas de prix.

La deuxième leçon a été difficile à admettre : le sabre est porté à la hanche gauche, ainsi est conçu le fourreau, autrement dit on le dégaine avec la main opposée soit la droite et votre serviteur est...gaucher. Les katas ou mouvements si vous préferez sont ainsi conçus qu'il serait trop compliqué de les transposer pour un gaucher. Imaginez déjà qu'on pratique face à l'enseignant ce qui nécessite une gymnastique mentale permanente pour transposer les mouvements de son propre côté mais contribue à aiguiser la concentration et l'esprit d'observation. Maintenant vous savez pourquoi je me plains de mes tendinites. Faire travailler un bras qui n'y est pas habitué avec un sabre de plus d'un kilo ca ne se fait pas comme ca.

La troisième leçon c'est le physique. Malgré ce que je viens de vous expliquer concernant mes petits bobos, cet art martial est à la portée de toute personne ayant une condition physique normale. C'est un trait commun à tous les arts martiaux et un message d'espoir également. C'est à la portée de tous et chacun peut y exceller pour peu qu'il s'en donne la peine.

La quatrième leçon c'est l'abnégation et complète la précédente en fait. Je crois que l'important dans les arts martiaux, c'est le mental et la motivation comme souvent. Les arts martiaux s'apprennent au rythme que le veut en fonction de ce qu'on y recherche. Il n'y a pas de surdoué mais que des gens qui travaillent et répétant des milliers de fois les mêmes gestes jusqu'à les rendre parfaits. Celà leur donne cette impression incomparable de facilité, de grace et de rapidité. Il faut donc accepter cet état de fait pour rentrer dans la discipline qu'on pratique et s'y épanouir. Un peu comme dans une société finalement, le système existe, il faut savoir l'utiliser. Pour vous donner un exemple, mon sensei ne m'a appris qu'un seul mouvement pendant 6 mois. Il me le montrait une fois ou deux au début de chaque cours, charge à moi de me perfectionner et d'observer ce qui n'allait pas. Il ne me disait jamais c'est mieux mais toujours ce qu'il y avait à corriger. Ca peut paraitre décourageant mais cet élevage à la dure renforce la volonté de celui qui l'accepte. J'ai toujours dit, le iaido c'est comme une statue. Au début on a un bloc de pierre dans lequel il y a la statue puis par son action, l'élève la cisaille petit à petit jusqu'à faire naitre son oeuvre Après j'ai appris aussi qu'il faut toujours avoir un oeil qui traine et regarder travailler les plus expérimentés en restant concentré sur son travail. C'est ainsi que lorsqu'au bout de 6 mois mon professeur a voulu me montrer les mouvements suivants de la série que j'étais en train d'apprendre, j'ai pu lui montrer la série au complet que j'avais appris en douce et ainsi passer à la suivante Comme je l'ai souvent vu, nombre d'élèves sont découragés par cet aspect de prime abord rebutant de l'entrainement mais la récompense n'en est que plus grande et j'ai connu des années ou pendant plusieurs mois j'étais le seul pratiquant avec mon sensei faute de personne suffisement motivée. A côté de celà des cours presque privés permettent de tisser des liens étroits avec son enseignant donc de progresser plus vite. Plus récemment par contre j'ai remarqué que l'enseignement se démocratisait et devenait plus abordable. Il a fallu faire un choix entre rigueur et ouverture d'esprit afin de promouvoir la discipline, mais jusqu'à un certain point seulement je vous rassure. Les arcanes de la discipline sont réservées à une élite choisie et les étapes à franchir assez décourageantes pour que seuls les plus motivés y parviennent.

Un peu d'histoire :

Bon alors, alors...ca ne vous dit toujours pas ce que c'est je sais, mais il était important de fixer le cadre et surtout l'état d'esprit qui sont les plus importants je crois.

Le iaido c'est un geste simple et pur que vous avec sans doute déjà vu dans des films. Le samouraï paisible mais vigilent se retrouve en situation de danger. Soudain d'un geste, il dégaine son sabre et tranche son ou ses adversaires dans un seul mouvement. L'instant d'après son sabre a rejoint son fourreau alors que l'adversaire n'est pas encore tombé au sol.

Pour comprendre celà, il faut se replonger un peu dans l'histoire qui commence au 16e siècle lorsque le nommé Ayachizaki Jinzuke Shigenobu essaie de codifier les mouvements afin de leur donner un sens. Le Japon est alors en pleine guerre civile mais les factions ne se combattent pas tout le temps, bref tout le monde ne se promène pas un sabre à la main heureusement. Les écoles d'arts martiaux et les differentes techniques fleurissent en cette période où la prouesse martiale peut faire la difference entre la vie et la mort. Les techniques de combat ou jutsu sont donc très orientées vers le combat. Le système féodal japonais restreint le port des armes aux seuls samourais (caste noble) qui seuls peuvent porter le katana, le sabre traditionnel utilisé pour le iaido et aux guerriers. Ainsi, ceux ci bien qu'en minorité peuvent facilement venir à bout d'une éventuelle révolte qui finit toujours réprimée dans le sang. Bref les occasions de combattre sont légion mais n'apparaissent pas toujours sur un champ de bataille, ainsi l'élève d'une autre école pourra être pris de l'envie de tester sa compétence en s'en prenant à un concurrent en ne prenant pas toujours le soin de le prévenir, autrement dit attaque surprise, ou parfois plus simplement en s'offensant d'un simple regard ou suite à une bousculade d'ou la technique de dégainer et de couper d'un seul geste. Les differents katas reprennent toutes les situations qui ont été imaginées au fil du temps, la répétition des mouvements créant des réflexes donc une rapidité d'action.

Au début du 17e siècle, le Japon entre dans une ère de paix qui durera jusqu'à la fin du 19e siècle avec le règne de la famille Tokugawa suite à la victoire de Sekigahara qui scelle la fin de la guerre civile. Ainsi pendant presque 3 siècles, le pays va se refermer sur lui même, exclure les étrangers afin de proteger son système féodal très encadré. La fin de cette période vous l'avez peut être vue au travers du film le Dernier Samourai, où la bouffonnerie de Tom Cruise dissimule une réalité historique.

Mais revenons en au début de cette période de paix. Malgré toutes les têtes tranchées (au Japon c'est la peine de mort ou...la peine de mort) le pays se retrouve avec toute une bande de soudards et de coupe jarrets qui ne demandent qu'à en découdre. Les samourais qui se sont battus durant des décennies ne demandent qu'à recommencer comme c'était le cas de nos preux chevaliers, bref il faut les occuper et canaliser leur agressivité. C'est ainsi que les disciplines de combat (Jutsu) deviennent des voies (Do) et que le Iai Jutsu est devenu Iaido, cqfd ! En créant des écoles de combat et leur donnant une dimension pilosophique, les combattants seront ainsi contrôlés et au delà on leur inculquait une philosophie de la vie favorable au régime en place en pronant le don de soi et le contrôle de ses pulsions guerrières. Force est de constater que ca a marché. Peu de pays peuvent se vanter d'une période de paix aussi longue, mais peut être a-t-on planté la les graines qui ont fait germer la 2e guerre mondiale en refoulant le sentiment combatif de ces hommes qui avaient vécu des siècles pour celà. Mais ceci est une autre histoire...(Je l'aime bien cette phrase, on l'entend à la fin de Conan le Barbare, excellent film trop souvent décrié).

La pratique :

Dans la pratique on fait quoi ?

L'école que j'apprends se nomme Muso Shinden Ryu. C'est un style si vous préferez et ils sont légions tant le nombre d'école a fleuri au fil du temps, des héritages et des rivalités.

Après le cérémonial on s'échauffe tout doucement soit en faisant des mouvements de coupe ou suburis avec un bokken (sabre en bois plus leger), soit des mouvements de dégainage / coupe avec son sabre. Les suburis répétés permettent également de détendre les épaules que le débutant à tendance à crisper. Je me souviens que pendant quelques années, chaque fois pour le nouvel an japonais, nous faisions misogi, cette pratique sympathique du suburi intense et à répétition. Imaginez vous avec votre sabre, a enchainer en cadence et en synchronisation avec le sensei des coupes pendant une heure...que du bonheur.
L'entrainement contient quelques notions d'anatomie puisque le but d'une coupe est d'atteindre un point vital (Artère, centre nerveux...) afin de mettre son adversaire hors de combat immadiatement, un saignement ou une hemorragie ne faisant que l'handicaper. Eh oui...on n'a pas oublié la notion martiale donc le but reste de tuer un adversaire virtuel. En effet pour des raisons de sécurité on pratique seul, c'est pourquoi le iaido est souvent décrit comme l'art de trancher l'égo, c'est un combat contre soi même.

Comme dans chaque art martial l'entrainement dans les katas se divise en trois niveaux de difficulté.

Omori Ryu :

La série chuden (nommée Omori Ryu) est destinée aux débutants. On y trouve les bases de la discipline. Les premiers katas sont donc simples, assez stricts dans la forme et préparent le corps à la suite. La position de départ des mouvements est seiza, autrement dit on est assis sur ses talons.
Pour nous occidentaux qui ne sommes pas habitués, ca peut être un peu éprouvant au début au travers des tensions que celà crée dans les genoux d'ou l'importance de bien se placer. Avec le temps les articulations et les muscles des jambes se développent et se fortifient et rapidement on n'a plus un poil de graisse sur les gambettes n'en déplaise à weight watchers. Traditionnellement le sol d'un dojo est en parquet mais on y trouve souvent des tatamis fort heureusement. J'ai même déjà fait des stages dans des gymnases sur le revêtement stabilisé avec une dizaine d'heure de pratique par jour, je vous garantis qu'on apprend vite à gerer les ampoules et la peau arrachée sur le dessus des pieds ou les genoux. Celà apprend aussi à occulter ces bobos pour se concentrer sur la pratique.

En principe Omori Ryu s'acquiert en 1-2 ans, j'ai un peu triché comme vous l'avez vu auparavant, ceci pour dire qu'il n'y a pas de règle en fait. Ce qui est merveilleux dans cette discipline c'est qu'au début en fonction de son investissement, on plante plein de graines, parfois on les oublie et puis un jour longtemps après on s'apperçoit qu'elles ont prosperé et ce qu'on découvre alors vous ouvre de nouvelles voies et une autre façon d'envisager les choses de sorte que l'on est en perpétuelle évolution en fait. Même s'il y a des règles qui restent, on évolue en permance. Ainsi Omori Ryu s'inscrit dans la rigeur avec un travail "carré" pour reprendre l'expression de mon sensei.

Je veux dire par là qu'il est important d'acquérir les bonnes postures dès que possible car sinon ce sont autant de défauts qui se multiplient avec le temps et qui parasitent vos mouvements. Visuellement pour l'oeil averti ca se voit tout de suite et nuit à ce style épuré dont je vous ai parlé, le but étant de parvenir aux gestes les plus simples possibles. Celà nécessite concentration mais pas tension non plus. On ne doit pas sentir le pratiquant crispé ou tendu ce qui est bien plus simple à dire qu'à faire.

Dans la pratique, le sabre est donc porté à la ceinture, côté gauche, la garde face au nombril ou Hara si vous préferez, le tranchant vers le haut ce qui permet justement de dégainer et de trancher d'un geste. La notion de Hara est très importante en asie, c'est le centre de gravité physique et spirituel du corps si je peux le décrire ainsi, là ou réside toute notre énergie. D'où le fameux Hara Kiri, ou Seppuku si vous préferez c'est à dire le suicide rituel par lequel on s'ouvre le ventre, faisant ainsi don de son Hara. L'explication est la.

Un kata se décompose toujours de la même manière quel qu'en soit le scenario :

Nuki tsuke : le mouvement par lequel on dégage de fourreau du sabre pour le dégainer.
Kiri tsuke : la coupe qu'on effectue dans le même mouvement.
Chiburi : le mouvement par lequel on égoute le sang sur la lame.
Noto : le mouvement de rengainer le sabre.

Un kata de iaido dure moins de 10 secondes pour vous donner un ordre d'idée.

Omori Ryu se compose de 12 katas reprenant des situations en intérieur ou bien souvent le port du katana était interdit aux visiteurs d'un seigneur par exemple. Le privilège de la noblesse étant de porter le sabre, seul le wakizashi (sabre court) était autorisé bien souvent, seuls les proches de la personnalité pouvant porter le katana ce qui leur donnait un avantage incontestable en cas d'affrontement.

Hasegawa :

Il s'agit de la forme intermédiaire de l'école ou Chuden.
Elle est composée de 10 katas.
La stature de base est désormais Tate hiza ou celle du soldat en armure assis. On est assis sur la jambe gauche repliée sous la fesse gauche. La jambe droite est repliée devant soit prête à s'appuyer sur le pied.
Autant dans Omori Ryu on doit dégainer en avançant, autant dans Hasegawa on doit le faire en reculant en raison de sa posture de départ. Celà implique un travail en puissance des cuisses qui doivent ramener les jambes à la verticale avant de dégainer en poussant vers l'arrière, faute de quoi on force sur les ligaments des genoux qui finissent par ne pas aimer du tout.
Une excellente façon de tester son endurance consiste à pratiquer Haya waza c'est à dire l'enchainement des 10 katas sans pause. Autant vous dire que c'est très éprouvant dans le sens où on a tendance à pratiquer les katas en apnée or la répétition des mouvements réduit l'oxygénation des muscles et en particulier la cuisse droite qui se tétanise immanquablement. Du pur bonheur...Moralité la respiration dans les arts martiaux est aussi importante que dans la vie : fondamentale.

Cette série est qualifiée de "ronde" dans le sens ou le déroulé des mouvements est plus souples. On a acquis une certaine rigueur dans les postures désormais, mais il faut maintenant apprendre la fluidité. 2 ans de travail de plus, enfin quand on ne triche pas

Okuden :

Egalement appelée Oku Iai, c'est la série la plus accomplie de l'école. Elle contient en fait 2 séries, la première en tachi waza ou mouvements debout et la seconde en suwari waza ou mouvements au sol qu'on commencera dans la position tate hiza que j'ai déjà décrite. En avant pour 20 katas de plus.

Avec Choden on a fait des mouvements carrés, avec Chuden on a fait des mouvements rond, avec Okuden on fait donc des mouvements carrés avec des angles ronds autrement dit rigueur et souplesse à la fois. A ceci on ajoute une notion de puissance dans l'exécution qui permet de dégager cette force qu'on ressent parfois de l'extérieur et donne ce côté inexorable au mouvement.

A ce stade le corps du pratiquant est parfaitement habitué au travail et se montre donc à l'aise et sans hésitation dans l'exécution des mouvements. La difficulté due à l'effort physique a donc disparu et on ne ressent qu'aisance et maitrise en le regardant. Se dégage de lui une impression de sérénité mais qui fait place à la détermination quand commence le mouvement. Sa volonté se dégage de lui et peut être ressentie physiquement dans le sens ou sa présence s'impose à l'adversaire.

2 ans de travail de plus.

Il est intéressant de savoir que les séries de mouvements ont été créées dans l'ordre inverse où on les apprend. Les maitres ont en fait regroupé et synthetisé les katas pour en extraire la forme la plus abordable (Choden), puis son évolution (Chuden) et enfin ce vers quoi ils voulaient tendre (Okuden).

Le ken :

Le Iaido c'est vraiment un ensemble.
Comme je vous l'ai déjà expliqué dans cette école on pratique les katas seul pour des raisons de sécurité notamment.
Pourtant rien de tel que la mise en danger et la confrontation pour se stimuler.
D'où le travail au bokken (sabre en bois) en complément.
Il existe donc des centaines d'exercice que l'on pratique au bokken, à deux ou plus ce coup ci, car comme dans les katas, une situation de combat n'est pas toujours un duel, on peut se retrouver en sous nombre.
La pratique du bokken apprend tout d'abord à maitriser ses gestes en ne portant pas les coups car même un sabre en bois peut tuer vous l'imaginez aisément. Parfois, surtout au début, on touche accidentellement son adversaire mais rien de grave, je n'ai jamais vu de blessure importante jusqu'à présent.
Mais des fois, un mauvais coup reçu peut apprendre plus qu'une heure d'apprentissage. Je me souviens ainsi d'un jour où nous travaillions des mouvements bokken contre naginata (Hampe de lance avec une lame de sabre au bout). Au début de l'éxercice j'étais le malheureux qui avait le sabre. En effet imaginez vous avec un sabre de 70 cm face à un adversaire avec une arme de plus de 2 mètres d'allonge. Autant dire qu'un des deux a un leger avantage qui oblige le porteur du sabre à venir au contact. A chaque que mon adversaire moins expérimenté me voyait attaquer, il me contrait de bon coeur et mes mains ont pris cher ce jour la, mais je serrais les dents sans rien dire. Il est en effet consideré irrespectueux de porter un coup inutile à un adversaire quand on entraine, surtout quand ca se répète...Bref mon sensei a fini par s'appercevoir du problème et a dit à mon adversaire qu'une fois qu'il m'avait contré, il n'était pas utile de me frapper, mais que nenni, le bougre ne voulait rien entendre et n'arretait jamais son arme. Puis mon sensei comme on le fait a chaque fois, nous a demandé de travailler dans la situation inverse, moi avec le naginata et mon adversaire avec le bokken. Pour ma part, je ne me suis "trompé" qu'une fois en portant un coup à mon adversaire également. L'expérience a payé par la suite, en lui montrant que lui aussi des coups il pouvait en recevoir ce qui l'a incité à plus de retenue...Comme je vous l'ai expliqué le respect de l'autre est fondamental, un dojo n'est pas un lieu de combat mais d'apprentissage. On fait certes tous des erreurs mais on a le devoir d'essayer de les corriger surtout quand celà peut porter préjudice.
Ainsi on apprend à être vigilent et concentré en permance, une maitrise totale du corps et du sabre ou rien ne repose sur le hasard.

La coupe :

Appelée Tameshi giri en japonais, c'est le dernier aspect de la pratique qui complète parfaitement le travail des katas et du bokken.
En effet, avec les katas on fait des mouvements de coupe complets comme si l'adversaire était présent mais on coupe de l'air finalement.
Avec le travail au bokken, on a des contacts entre sabres ou on arrête sa coupe avant de toucher son partenaire.

Le tameshigiri permet de couper quelque chose pour de vrai.
Celà signifie également qu'il faut un sabre tranchant ce qui n'est pas donné à tous. Souvent le sensei a un sabre en acier industriel qu'il prete à ses élèves pour la pratique, car un vrai katana, ca ne se prète pas.
Alors on coupe quoi du coup me direz vous ?

Les japonais sont des gens très pragmatiques et rien de mieux pour simuler le corps humain, qu'un corps humain Ainsi au moyen age, il n'était pas rare d'utiliser des condamnés pour faire des tests. Par ailleurs les samourai avaient droit de vie ou de mort sur les paysans et il pouvait leur prendre l'envie de tester le tranchant de leur lame sur un pauvre hère passant par la. Des cadavres étaient également utilisés parfois. Je sais ca fait un peu sauvage, mais on reconnait bien la le côté pragmatique des asiatiques.

Bon depuis il a fallu se civiliser un peu plus quand même. On utilise donc des paillons. En fait, on prend des rouleaux de paille genre tapis de plage qu'on plonge dans l'eau avant de les égouter, ce qui leur donne la consistance de la chair. Ne reste plus qu'à les fixer ensuite sur des supports pour travailler. On peut varier avec l'épaisseur et le sechage la difficulté des coupes.

Le travail de coupe demande une concentration extrême, notamment lorsqu'on enchaine plusieurs cibles. C'est un mélange de puissance, de maitrise et de relachement. Une coupe trop puissante va frapper la cible plus que la trancher, on va donc enfoncer sa lame dedans sans la couper completement au risque de la coincer. Imaginez le résultat dans un combat, votre arme est perdue ou elle peut se briser lorsque vous allez tenter de la dégager. Une coupe non maitrisée ne sera pas droite et risque elle aussi de bloquer votre lame. Il faut donc contrôler son geste de bout en bout en lui donnant une puissance suffisante et constante tout en conservant une certaine décontraction et n'arrêter sa coupe qu'une fois la cible traversée. Facile à dire, difficile à faire...mais cette expérience est indispensable pour connaitre de vraies sensations. Bien souvent cet aspect de la discipline est négligé faute de la lame adéquate, pour ma part je l'ai peu pratiqué mais je me souviens de chaque fois et en particulier de cette sensation de délivrance et d'accomplissement lorsque le paillon tranché net tombe à vos pieds...

Le Kiai :

Alors là on entre dans une dimension un peu mystique de la discipline j'avoue et assez difficile à appréhender pour qui ne l'a pas vécu.

Le kiai, c'est ce cri que poussent parfois les combattants. Vous le connaissez tous je pense, et je reconnais que ca peut prêter à sourire par un côté un peu farfelu. Moi même je me suis senti ridicule les premières fois où je l'ai poussé j'avoue car cette façon de s'extérioriser peut dérouter.

Le but c'est de faire donner corps à sa volonté en faisant jaillir l'énergie du hara pour donner encore plus d'efficacité au geste. C'est donc un gri non pas guttural mais qui vient des tripes si je peux ainsi l'exprimer.

Lorsqu'il est poussé avec conviction il peut donner une sensation de paralysie à l'adversaire ou lui montrer sa détermination tout simplement. Au contraire lors d'éxercices en groupe, il permet au sensei de communiquer son énergie à ses élèves et de créer une sorte de symbiose qui permet à tous d'élever leur niveau de travail. Au final c'est très gratifiant.

L'évolution :

Comme je vous l'ai déjà expliqué, il n'y a pas de règles on évolue selon ses moyens et à son rythme et il y a toujours quelque chose à apprendre ou à redécouvrir. A mesure qu'on progresse, les choses s'imbriquent, on réfléchit, on murit, pour aller toujours de l'avant. Parfois on croit être devenu le maitre du monde et le lendemain c'est la grosse désillusion avec une forte remise en cause mais les bienfaits sont la.

Votre façon de pratiquer évolue elle aussi avec vous ce qui est logique et donc votre façon d'exécuter les katas. Ainsi Choden qui était carré au début se pourvoit d'angles ronds et de puissance avec le temps, bref votre pratique vit. On dit souvent d'ailleurs que le iaido c'est la vie tout simplement et avec mes mots maladroits j'essaie de vous le faire ressentir un peu.

Une des étapes importantes de la progression je crois ce sont les passages de grade et l'obtention des ceintures car ce sont des paliers dans votre apprentissage qui vous permettent de matérialiser l'évolution de votre pratique au travers d'une épreuve. La encore la façon de faire a évolué. Comme je vous l'ai expliqué, à mes débuts j'ai appris à la dure et il en était de même pour les passages de grade. Mon sensei et le sien consideraient qu'un enseignant ne devait présenter un candidat à moins qu'il ne soit sur d'obtenir son grade. Celà a été très frustrant pour moi d'autant qu'à côté de celà d'autres sensei ne suivaient pas cette consigne mais par contre, le jour où mon sensei m'a demandé si je voulais présenter un grade à l'examen, je savais que j'étais pret malgré l'anxiété que celà peut susciter et ca c'est un bon plein de confiance croyez moi. Pour ma part même si je ne cours pas après les distinctions, je continue à m'en tenir à ce principe. Le système s'est toutefois assoupli avec le temps et on semble considerer désormais que le seul fait de se présenter à un passage de grade, avec tout de même un minimum de connaissances est un gage de volonté et de motivation suffisant...j'approuve beaucoup moins j'avoue mais bon, c'est aussi ca l'ouverture d'esprit je suppose.
Les arts martiaux ont toujours connu ce conflit de toute façon je crois : doit on créer une élite ou s'ouvrir un peu plus en accordant plus facilement les grades pour se faire connaitre ? Difficile débat, sur lequel j'ai un avis bien tranché

Les séries des katas Choden / Chuden / Okuden correspondent aux grades en fait. Ceux ci commencent au 1er kyu, l'équivalent de la ceinture marron si vous préferez.

Choden : 1er kyu / 1er dan
Chuden : 2e dan
Okuden : 3e / 4e dan

Après on atteint des niveaux qui m'échappent.

Les passages de grade sont composés de katas, de combats au bokken, de vérification de votre connaissance du sabre et même de coupe puis de notions de forge passé un certain niveau.

Je me suis arrêté pour ma part au 1er dan, je pourrais prétendre à plus au bout de 16 ans de pratique mais les circonstances ont fait qu'il en a été autrement. N'ayant plus de club ni de sensei actuellement, ca n'aide pas il faut dire, sans parler de mes chères tendinites. Comme vous l'avez peut être remarqué, ca entre d'ailleurs en contradiction avec la vitesse à laquelle j'ai appris. Après il faut savoir rester modeste je crois, d'ailleurs comme Takeshi Mochizuki me l'a appris au Japon, ce n'est pas la ceinture qui compte mais le nombre d'années de pratique. Mr Miyagi pour ceux qui ont vu Karate Kid ce sympathique film pour adolescents, ne répond-il pas à son élève qu'après tout une ceinture ne sert qu'à faire tenir son pantalon ?

Les stages sont l'occasion de passer des grades mais surtout de travailler plus longtemps avec des élèves d'autres dojo donc de confronter les pratiques et de les mettre en concurrence pour s'élever durant de plus longues séances. Celà en fait des moments riches et intenses dont les effets une fois la fatigue passée sont durables et très bénéfiques.

Enfin, lorsqu'on a atteint une certaine maitrise de son école et que les choses sont bien claires dans votre esprit, il peut être intéressant de s'essayer soit à une autre école de iaido, soit à un autre art martial afin d'y trouver le complément de ce qu'on a appris. Bref c'est un cycle sans fin, le cycle de la vie en somme...

Le katana :

Un katana, c'est une arme qui a évolué avec le temps mais vous en avez déjà tous vu je pense qu'il s'agisse de vrais, de copies qu'on trouve un peu partout ou dans des films.

C'est un objet à la fois simple et pur qui matérialise la perfection de ce que recherche le samourai.

Physiquement nous avons donc un sabre courbe, à tranchant unique, dont la lame mesure plus de 60 cm et dont la fabrication est un rituel aux consonnances religieuses. Il est traditionnellement porté avec le wakizashi, sabre à la lame de 30 – 60 cm plus pratique en intérieur et avec lequel il forme le daisho, la paire de sabre qui est la marque des samourais.

Le pratiquant se doit de connaitre le processus de fabrication ainsi que la nomenclature très détaillée de cette oeuvre d'art.

Je vais essayer de vous le décrire. On trouve peu de vidéo sur le sujet car chacun a ses petits secrets et même si je n'adore pas ce film on en découvre un peu le processus dans Highlander 3 je crois où Christophe Lambert doit à nouveau forger son arme.

Tout part d'un petit bloc de fer qui est porté à blanc dans un four à charbon dont la température est tenue secrète. Ce bloc est plié et replié sur lui même nombre de fois puis reformé à chaque fois afin de créer des couches qui lui donnent sa solidité incomparable. Plus il y a de couches, plus la lame sera dure. Puis le bloc est allongé afin de lui donner la forme de la lame puis forgé à nouveau encore et encore et encore...Le mélange de l'air, du charbon et du fer permet de transformer ce dernier en acier, ce métal étant bien plus dur et résistant que le fer, le défaut de l'acier étant de pouvoir rouiller. L'arme doit donc être scrupuleusement entretenue.

Si le sabre doit être dur pour trancher, il doit également être souple pour ne pas se briser net durant les parades. La lame va donc être composée d'un coeur plus tendre notamment à proximité de l'endroit où sera la garde alors que la partie vers la pointe utilisée pour trancher sera nettement plus dure.

Ceci est completé au moment de la trempe ou de l'argile est disposé à certains endroits de la lame.
Ce mineral absorbant la chaleur il sera disposé sur les zones qu'on veut plus souples. Il fera également apparaitre la ligne de trempe en forme de vaguelettes que l'on voit sur toutes les lames et sur laquelle le dessin de l'argile peut faire apparaitre de véritables oeuvres d'art. La lame peut également avoir des reflets colorés en fonction du métal utilisé. Bien entendu, la température de l'eau contenue dans le bac de trempe est un secret jalousement gardé. Des légendes parlent de maitres forgerons ayant tranché la main de leur élève avec une lame naissante, ceux ci ayant eu le culot de plonger la main dans un bac de trempe pour en évaluer la température. On dit également que cette eau doit être des plus pures.

La lame est enfin née mais le processus de fabrication du sabre est loin d'être achevé. Elle est maintenant confiée à un polisseur dont le travail va être fondamental. S'il fait bien son oeuvre il fera apparaitre toutes les qualités de la lame ou au contraire il en révélera les défauts. Dans la pratique, la lame est polie avec des blocs de pierre au grain de plus en plus fin jusqu'à la rendre totalement lisse. C'est également ce qui va lui donner son tranchant. C'est un processus long et rigoureux mais indispensable. Une lame abimée est souvent confiée à un polisseur pour être remise en état. Elle est ensuite placée dans une monture en bois pour la phase suivante.

Vient ensuite le moment de tester la lame ce qui est le travail d'un autre expert. Souvent des cadavres ou des condamnés sont utilisés pour cette importante "mission". Il existe 21 points du corps sur lesquels une lame doit être testée, ce qui peut nécessiter plusieurs "volontaires". Ces points sont de plus en plus difficiles, notamment quand on commence à trancher des os vous l'imaginez. Des animaux peuvent également être utilisés. On regarde ensuite comment le sang et les restes humains se comportent sur la lame ou plus simplement si elle n'as pas été endommagée afin d'en déterminer la qualité. Les tests peuvent même être plus compliqués genre on met 3 cadavres en armure l'un derrière l'autre et on les tranche d'un geste. Et oui c'est ca le katana, un tranchant tout simplement incomparable, mais sans un porteur habile, l'arme n'est rien bien entendu.

Une fois les tests de coupe achevés reste à poser sa monture sur la lame en y apposant une poignée (tsuka), une garde (tsuba) et un fourreau bien entendu (saya). Tout celà est fait avec des matériaux naturels comme le bois, la soie, la peau de raie...et peut donner libre place à l'imagination de l'artisan. Le style est des plus sobres toutefois.

Voilà c'est fini, il n'y a plus qu'à utiliser l'arme après un processus qui a pris plusieurs mois.

Un peu d'anatomie :

Pour comprendre comment utiliser un sabre, il faut savoir ce qu'il va produire comme effets, le but étant de mettre un adversaire hors de combat. Il faut donc apprendre quelle partie du corps toucher dans ce but.

On va donc privilegier les mains susceptibles de porter une arme et d'une manière plus générale tout ce qui peut handicaper l'adversaire ou le mettre hors d'état de nuire comme les artères ou certaines articulations. En fonction de la partie du corps que l'on cherche à atteindre la coupe devra être orientée de telle ou telle manière mais la coupe la plus efficace, qui est recherchée le plus souvent et qui semble la plus évidente, c'est à la tête entre les yeux.

Pourquoi ? C'est très simple en fait, et nous avons également la l'explication de la fameuse botte de Nevers en escrime française. Un centre nerveux fortement irrigué se trouve entre nos deux yeux. Une coupe à cet endroit va donc avoir de multiples effets : d'abord un saignement important qui va couler dans les yeux de la cible et l'aveugler, ensuite une certaine paralysie due à l'endommagement de ce centre nerveux mais surtout, ce qui met l'adversaire hors d'état de nuire, c'est l'impact. Voilà pourquoi même un sabre en bois reste redoutable. En effet sous le choc, le cerveau fait un rapide mouvement vers l'arrière puis vers l'avant pour se repositionner dans le crane. L'énergie dégagée à cet instant endommage la partie arrière du cerveau qui commande aux fonctions motrices du cerveau entrainant une paralysie immédiate. Maintenant vous savez pourquoi le fameux "coup du lapin" est aussi redoutable.

Je sais ces détails sont un peu glauques mais montrent à quel point tout a été minutieusement étudié dans cette discipline. Ce n'est certes pas son aspect le plus reluisant mais ca en fait partie alors autant le dire.

Ce que le Iaido nous apporte :

Un combat au corps à corps c'est quelque chose de particulièrement meurtrier pour tous les protagonistes, et rare est celui qui va s'en tirer indemne. La leçon de tout celà est qu'il faut à tout prix éviter le combat mais tout en y étant pret.

Je sais, vous aller me dire qu'il y a peu de chances pour que je me trouve un jour avec mon sabre à la ceinture en situation de combat et vous avez parfaitement raison mais la richesse de cette discipline est ailleurs.

D'abord les bienfaits physiques sont évidents comme dans le cas de toute activité de ce type. Pour ma part, c'est un des seuls moments où je coupe totalement le contact avec la réalité car la pratique nécessite un effort de concentration tel qu'on en oublie son entourage mais pour mieux apprendre à faire un avec lui au final.

Vous vous demandez par quelle pirouette je vais m'en sortir la hein ? Pour commencer je vous rappelerai la signification de iaido évoquée au tout début : voie de l'unité des êtres.

Le iaido est souvent aussi appelé art de trancher l'ego car on travaille seul face à soi même. Lorsqu'on travaille à deux, votre partenaire vous renvoie votre image, et vous apprenez à le respecter et réciproquement. Vous savez ce que vous pourriez lui faire endurer et lui aussi donc ce que vous n'aimeriez pas qu'on vous fasse. Vivre en harmonie avec les gens consiste donc à ne pas les agresser et dès lors le sabre reste au fourreau bien que pret au cas où, fidèle à la devise : "qui veut la paix prépare la guerre" ou "ci vis pacem para bellum" pour les latinistes distingués donc Agecanonix. Celà peut paraitre tout bête mais mérite pourtant d'être dit. Le principe du respect de l'autre donc de l'absence de conflit apporte à tous la paix et les unit : voie de l'unité des êtres...vous voyez où je veux en venir ?

Pour celà, chacun doit connaitre la place qui est la sienne donc respecter l'espace vital de l'autre. Le dojo lieu d'entrainement représente le monde finalement. Lorsqu'on travail à plusieurs dans cet espace nous devons être attentifs à notre sensei puisqu'il va nous apporter son savoir, respecter l'esprit de ce qu'il enseigne tout comme la présence des autres. Il n'y a pas de supérieur, tous sont égaux donc chacun a sa place. Lorsque je dégaine mon sabre pour travailler seul, je dois veiller à la présence des autres afin de ne pas les blesser et eux de même. Nous évoluons donc de concert dans le respect mutuel. De même lorsque nous travaillons le bokken à plusieurs, je donne à mon partenaire l'occasion de me blesser mais à lui de me rendre ma confiance en me montrant qu'il n'en profite pas et qu'il ne fait que s'en servir pour apprendre tout comme moi.

Ainsi, chacun définit un espace autour de lui et apprend à respecter les autres. Celui qui heurte le fourreau de mon sabre en s'approchant de moi est soit un maladroit qui n'a pas respecté mon espace de vie soit a cherché à m'offenser et doit s'attendre à subir ma colère. Dans tous les autres cas il reste libre d'évoluer comme bon lui semble puisque ses agissements ne m'affectent pas directement.

Bref je deviens tolérant et j'accepte mon entourage, recherchant ainsi l'harmonie de tous. Mes gestes calmes et posés dénotent une absence d'agressivité mais la vigilance de mon regard prévient le malintentionné de ce qu'il risque.

Voilà la signification profonde de tout celà, enfin c'est ainsi que je le ressens, la paix et l'harmonie même si elles sont utopiques doivent rester un but commun et voilà une belle façon de l'apprendre je trouve car ce faisant on est également en accord avec soi et son hara.

Voilà une fois de plus j'ai fait long mais il y avait tant de choses à dire...et quand on n'y réfléchit en lisant la charte de notre alliance, nous ne sommes finalement pas si loin de cet état d'esprit.

BANZAI


Références :

Le dernier samourai
Shogun
La légende du masseur aveugle Zatoichi
Soleil rouge
Les 7 samourai
Musashi
Yakusa
Black rain
Kogaratsu (BD française sur le Japon médiéval)
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Osrik
 
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Re: Osrik et les arts martiaux

Message par Erneo » Dim 5 Fév 2012 06:05

Euh si je dois Lire tout ça, je prefere encore croire que tu est fan du chien de Cocci moi :tarte:
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Erneo
 
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Re: Osrik et les arts martiaux

Message par Selelin » Mar 7 Fév 2012 08:57

lol Erny, je lirai le pavé, un jour, mais une fois mon repassage terminé. :o
Amicalement, Sélé
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Selelin
 
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